X-Factor : Une grande première sauvée par... Mémé Loubard et les autres phénomènes, à regarder !
X-Factor, première ! Le télé-crochet qui révéla outre-Manche Leona Lewis et Alexandra Burke continue à s'exporter de façon endémique, et, inédit en France, faisait ses débuts ce 28 septembre sur W9.
Le facteur inédixX comme le grand saut dans l'inconnu ; X comme l'inconnue de l'équation de ce nouveau show générateur de stars, qui va devoir trouver sa place dans la panoplie audiovisuelle du genre déjà bien étoffée ; X comme le chromosome magiquement mélomane qui se fait désirer ; X comme la croix au sol, tremplin salvateur ou marquage destructeur, sur laquelle viennent se placer (ou s'écraser) les x candidats désireux de quitter l'anonymat ; X comme... devraient être classées les performances de certains des candidats. Et ce n'est finalement pas pour rien que, pour son crucial premier prime, X-Factor choisit de débuter par... un bêtisier. Manière de détendre d'emblée l'atmosphère, tout en valorisant la facette casting ouvert à tous - c'est-à-dire à n'importe qui ? Manière encore de magnifier, par contraste, les passages au-dessus de la moyenne ? Sans doute pas la meilleure entrée en matière, et probablement pas du meilleur augure pour cette première partie des auditions parisiennes.
Après un bref récapitulatif du principe du programme, dispensé par le maître de cérémonie Alexandre Devoise , qui déambule dans la foule des aspirants version casting sauvage, un préambule emphatique au son de Carmina Burana nous rappelle que la nouveauté du soir a fait l'objet d'un large battage médiatique centré autour de son caractère inédit et différencié. Mouais, wait and see. D'autant que les étourdissantes mesures de la cantate de Carl Orff sont vite relayées par le jingle électro-pop dans l'air du temps de l'émission. Niveau identité de marque, on repassera.
Point positif : on ne tarde pas à entrer dans le vif du sujet. Le brelan d'as qui compose le jury a tout juste quelques secondes pour donner la température. A chacun sa spécialité : Julie Zenatti sera sensible aux histoires personnelles, le compositeur Alain Lanty à la technique et à l'inventivité, Marc Cerrone au feeling et à l'audace. Pour eux aussi, l'enjeu est grand, tant la Nouvelle Star, programme de la même famille et propriété du même groupe (M6), a imposé sa formule archétypale d'un jury aux caractères bien tranchés...
Le facteur comixC'est donc par le trou de serrure d'un bêtisier qu'on entre dans ce nouveau show télé... Un hors d'oeuvre déstabilisant qui laisse accroire que le vrai dilemme, au bout du compte, a été de réussir à repérer quelques candidats dans la masse. Et attention : un bêtisier édition de luxe, pas un medley qui nous laisserait sur notre faim. Crystal est la première à préjuger qu'elle a en elle le fameux facteur X. C'est vrai que cet Elvis de chapelle de Las Vegas au féminin, qui doit tout (selon elle) à "Bahbwa", pardon, excusez l'accent : Barbra Streisand, a quelque chose. On ne le nommera ni X, ni autrement (ou alors : testostérone et ego en cocktail dans un shaker en cuir). Son rêve fou ? Oh, allez, elle peut bien nous l'avouer : devenir la nouvelle Brigitte Bardot. Façon Kurt Russell, sans doute. Une évidence. Et lorsque Crystal entonne du Johnny, voilà l'occasion du premier bon mot de l'excellentissime Alain Lanty : "Johnny se retourne dans ses tongs". C'est non (ah bon ?). Pourtant, Crystal n'en démord pas : "J'ai la technique américaine, celle de Barbra Streisand, qu'utilise aussi Céline", se rengorge-t-elle en prenant congé de ce jury d'incompétents.
Plus tard, la jeune Shaïma (17 ans) décroche, sans pourtant prouver beaucoup, son ticket pour le deuxième tour. Une salve de candidats évincés en quelques secondes nous aide à percevoir que le jury souffre beaucoup et savoure peu. Julie Zenatti s'illustre à son tour, face à Grégoire : "Tu ouvres trop la bouche, on voit ta glotte. C'est gênant".
Le facteur mixUne bonne surprise surgit enfin d'un trio improbablement formé dans la file d'attente : si cette association de dernière minute tourne à la cacophonie douce, Aïda se démarque. Malgré son prénom, elle ne chante pas d'opéra, mais sa version de Jimmy, de Moriarty, guitare en bandoulière, est effectivement séduisante en diable. Oui pour belle. Ouf, une demi-heure d'émission pour être témoins d'un peu de musique... Peu après, un autre trio, moins improvisé, passe ce premier tour : Character Soul, trois divas qui crient, mais crient mélodiquement, ensemble, passent l'épreuve - même si le jury commence déjà à déchanter une fois que les filles passent la porte, leur sésame en poche.
Par la suite, hélas, les "personnages" continueront à prendre le pas sur les chanteurs. Ainsi, on ne goûtera que quelques secondes de la reprise acoustique de Raisonne, d'Aston Villa, par un certain François, qui aurait mérité plus de temps d'antenne. Idem pour la cover rugueuse et alléchante de Here come the rain again (Eurythmics) par un garçon grisonnant, celle de Highway to hell par une demoiselle à la Pink, le passage d'une country girl convaincante prénommée Cathy, ou encore celui d'un groupe de musique vocale (The Rêveurs) épatant sur l'inénarrable Stand by me.
En revanche, on passe un "bon" (enfin... long) bout de temps avec l'insipide Francky Fashion mal fagoté et allumé, qui analyse son élimination en estimant qu'il devait être "trop impressionnant" pour le jury.
Le facteur rixeAu rayon du spectacle, évidemment, deux catégories ne tardent pas à s'affirmer dans la sélection. Premièrement, les clashes : François, l'ex-staracadémicien démasqué, se voit trop beau avec une chorale sans relief - il avait sans doute trop misé sur la quantité, au détriment de vous savez quoi. Une chorale sans chanteur, sans leader, sans idées, c'est un peu comme le H de Hawaï - ça sert à rien. François, à la première critique, s'enflamme et part en fumée : il fait un scandale, les insultes fusent, et Cerrone demande avec humeur (un peu) et humour (surtout) à être raccompagné par un service de sécurité à la fin de la journée. Autre prise de tête, celle de Julie Zenatti avec le duo limite autiste Gauthier Dymon & Co : deux gentils fumistes infoutus d'accorder leurs guitares pour une cover étonnante de Born to be alive, las, tellement bâclée... "Irrespectueux de la musique", dixit Cerrone, ils reviendront au prochain tour malgré la rancune de Julie. Une bonne blague.
Le facteur britannixDeuxièmement : l'inévitable syndrome Susan Boyle. C'est la grande mode, et on débusque immanquablement dans la salle d'attente une ex-comédienne, Fanny, devenue SDF. Malgré ses problèmes de justesse, sa diction par instants horripilante, sa mâchoire hyper serrée (analyse de Zenatti), elle passe, grâce à Alain Lanty qui a eu le coup de coeur pour sa voix "nature". Il est vrai qu'après avoir entendu tant de truqueurs, ça se remarque. Commentaire très nuancé de la voix off : la vie de Fanny vient de changer. Ben voyons...
Le facteur musix (enfin)Attention, couchez les gosses : Mémé Loubard, from Bruxelles, septante-deux balais, vient de débarquer. Attachante. Une composition originale incroyable inspirée par son petit-fils pour une histoire vraie très biker-like, avec du tatouage, du cambouis et des biscotos. On est scotchés tant cette voix de jazz intense, fascinante, musclée et belle au final se saisit de vous. C'est fort logiquement, pour son second extrait, que Claudine, alias Mémé Loubard, a choisi Nougaro. Armstrong en flamand. Les jurés sont indécis, déstabilisés par ce personnage trucukent, adorable et tellement atypique. L'intéressée, elle, se voit déjà au tour suivant : "ben vous m'faites entrer en moto, en Harley". Ce premier vrai dilemme sera enfin arbitré par Julie Zenatti : c'est oui. Ca y est : X-Factor tient sa Susan Boyle, en mille fois plus attachante. "Faire des concours à mon âge, quand même", s'amuse l'impayable mamie en récupérant son pass bien mérité. Dans un style proche, Robert, papy belge de 70 ans qui s'est échauffé avec quelques imitations de Louis de Funès, n'aura pas autant de réussite. Un chanteur, un cabot. Un artiste de music-hall. Un peu trop. "Je n'ai rien à vous apprendre", déplore Julie Zenatti. Exit, Robert.
Jean-Yves, jardinier dans la Meuse, fait ensuite son apparition. Un quadra rustique qui se transforme en SevyNaej (verlan de son prénom) sur le plateau du télé-crochet. La transformation ne concerne pas que le patronyme : le "mec rugueux", improbable en redingote bleu électrique, surprend son monde avec une reprise de feu, rugissante et rythmée, de Mirza, de Nino Ferrer. Enthousiasmant ! C'est OK pour lui, ce qui nous offre la séquence émotion du soir, lorsqu'il rejoint sa femme et leur fille pour des larmes d'une sincérité rafraîchissante. Un joli moment pas truqué.
Pour le quatuor érudit Basilic, c'est gagné en deux mesures de Tutti Frutti, le génialissime standard de Little Richard. Puis, les Beatles en musique vocale : Alain Lanty, T-Shirt du Fab Four sur les épaules, est sur l'Olympe. Nice, guys !
Marie, enfin. La petite Marie, 17 ans à peine. Petit gabarit, puissant organe. Ca, c'est vraiment toi a capella, il faut en envoyer. Sur Zombie, des Cranberries, malgré des couplets au placement un peu bas pour sa tessiture, Marie fait preuve d'une belle qualité d'appropriation et de liberté sur le refrain. "Allez ranger vote chambre", taquine Cerrone en lui remettant son sésame pour la suite, tandis qu'Alain Lanty, encore subjugué, laisse filer "Marie pleine de grâce".
Le facteur n'est pas passé...Le meilleur était donc globalement pour la fin, même si Alain Lanty demeure jusqu'au bout circonspect : "On a des filons, mais pas de pépites. Mais on a des filons".
Un constat à l'image de celui qu'on doit dresser après cette première soirée classée X : promu avec le bénéfice produit audiovisuel d'être révolutionnaire, X-Factor laisse une décevante sensation de déjà vu. Et revu. Scénographie conventionnelle, mise en scène qui ne l'est pas moins (élans euphoriques, déceptions et larmes, insolites, le tout habillé comme il se doit, selon les circonstances, par des guitares mièvres, des ballades, ou des morceaux explosifs), manque de rythme flagrant, et bien peu de place pour... le dévoilement du facteur X. On ne peut qu'espérer que le second volet des sélections parisiennes, lundi prochain, fasse décoller la formule. En attendant le coaching des jurés, et les épisodes en live, afin que ce pogramme né sous X trouve son identité. D'ici-là, on se repasse en boucle la trop courte seconde de déhanché d'Alain Lanty, avant d'aller retrouver son look-alike sur une chaîne concurrente - le docteur House.
Guillaume Joffroy
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