Après un fort stress, la production d'un facteur de croissance neuronal est perturbée.
Comment savoir si, après une agression ou un drame personnel, une personne va sombrer ou non dans
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Pour la première fois, un marqueur sanguin de cette vulnérabilité vient
d'être découvert chez des rats par une équipe de chercheurs dirigée par
Jean-Jacques Benoliel à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris
(université Pierre et Marie Curie/Inserm/CNRS).
Leur étude
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sang des concentrations réduites en BDNF, un facteur de croissance
important pour les cellules nerveuses du cerveau. «Il s'agit d'un très
beau travail qui montre bien comment se met en place la fragilité
nerveuse suite à un stress majeur et le rôle crucial que joue le BDNF
pour y remédier», souligne le Pr Philip Gorwood, spécialiste du sujet à
l'hôpital Sainte-Anne à Paris.
Pour provoquer ce premier stress
majeur, les expérimentateurs ont placé les rats à tester dans la cage
d'un congénère plus gros et plus agressif. Dans un premier temps, le
«cobaye» était protégé par une enceinte. Puis, une fois cette protection
retirée, une confrontation violente s'engageait au détriment du rat
introduit. L'expérience traumatisante a eu lieu une fois par jour
pendant quatre jours. «Nous avons utilisé ces conditions de stress car
elles sont proches de la réalité vécue par les rats dans leur
environnement naturel et transposables à l'homme, explique Jean-Jacques
Benoliel. Le traumatisme est dû à la perte de statut social mais surtout
à l'anticipation de la confrontation face à un animal dominant qui se
produit au début de l'expérience.»
Une simple prise de sang pour détecter la fragilité ? Un
mois plus tard, la plupart des traces de ce stress avaient disparu chez
les rats agressés, à l'exception d'un taux abaissé de BDNF dans le sang
d'environ la moitié d'entre eux. Lorsque les chercheurs ont soumis les
rats à un nouveau stress, répété mais de faible intensité, seuls les
animaux produisant peu de BDNF ont développé une dépression. Elle se
caractérisait par leur absence durable d'appétence pour l'eau sucrée,
leur passivité une fois placés dans un bassin rempli d'eau et
s'accompagnait de modifications de la structure de certaines régions de
leur cerveau déjà connues chez les personnes dépressives. Comme chez
l'homme, les rats dépressifs étaient aussi devenus hypersensibles au
moindre stress, sécrétant alors de fortes concentrations d'hormones
corticostéroïdes.
En revanche, si après le premier stress
traumatique les rats recevaient dans leur cerveau l'injection d'une
substance mimant le BDNF, ils ne développaient plus les symptômes
physiologiques et comportementaux de la dépression face au stress.
«Nos
expériences montrent que la vulnérabilité à la dépression résulte d'une
mauvaise récupération du système nerveux après un stress émotionnel
très élevé», précise Jean-Jacques Benoliel au
Figaro, et qu'elle
est due à une faible production de BDNF. «Nous ignorons encore pourquoi
cela n'apparaît que chez certains individus.» Si ces travaux sont
confirmés par des études, déjà en cours, chez l'homme, une simple prise
de sang pourrait permettre de dépister parmi les milliers de personnes
subissant chaque année un fort choc psychologique celles qui risquent de
développer ultérieurement une dépression. «Tout l'enjeu sera alors de
rétablir chez ces sujets une production normale de BDNF, que ce soit par
un moyen pharmacologique ou comportemental», conclut Jean-Jacques
Benoliel.
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