Sa tournée d'adieu.
Johnny une mythologie française Du
29 au 31 mai, l'idole du rock remplira le Stade de France et, à 66 ans,
dira au revoir à ses fans. L'occasion pour Serge Raffy de décrypter une
légende nationale, de A comme Argent à S comme Shakespeare
Cinquante ans, qui dit mieux ? Cinquante ans à innerver
la France de Dunkerque à Perpignan, à faire don de ses boyaux aux
ouvriers, aux marins pêcheurs, aux caissières de supermarché, aux
employés de banque. Johnny l'insubmersible, à 66 ans, est une légende
vivante. Il fait sa dernière tournée, celle du «patron», comme le
surnomment les chanteurs de la nouvelle génération, Obispo, De Palmas,
Zazie ou Bénabar.
Comment un gamin de Montmartre devient-il un
monument national, entre de Gaulle, BB et la tour Eiffel ? En durant.
En occupant le calendrier avec la constance du jardinier. Le secret de
la mythologie Hallyday est là, dans l'art du rebond. La bête de scène
est un phénix multipliant morts et résurrections depuis l'époque du
Golf Drouot jusqu'à celle du Stade de France.
Cinquante balais à porter la croix du rock.
Paradoxe : les grands mythes, Marilyn Monroe, James Dean, le Che, meurent
jeunes. Or Johnny est un beau vieux. Et malin. Il a entretenu sans cesse le
syndrome de la chute, de l'homme au bout du rouleau, au bout de ses amours, au
bout de ses rêves. Les puristes le vomissent ? Ils le traitent de beuglard,
d'ersatz commercial de Gene Vincent et de Buddy Holly ? Que répond l'idole des
jeunes devenu un sage père de famille ? Il chante.
ArgentIl
dépense sans compter, épuise ses comptables, les honnêtes et les
véreux, change de conseiller fiscal comme de chemise à jabot, donne
tout à ses amis, les vrais et les faux. Il a subi de multiples
contrôles fiscaux, fut même condamné à de la prison avec sursis. Aux
juges, il a seulement dit que
«l'argent, c'est trop compliqué pour moi». Il a fait l'idiot ? Non, répondent tous ceux
qui ont croisé le météore du rock, le prince noir, un jour milliardaire, le
lendemain ruiné, courant derrière les dettes, empruntant à sa maison de disques
qui finit par le tenir en otage en lui imposant des choix artistiques hors
sujet. Il a acheté et revendu les maisons les plus extravagantes, les yachts les
plus chers, couru les palaces. Mais, à la soixantaine, il semble que la star se
soit assagie : Johnny s'est lancé dans un procès interminable avec sa maison de
distribution, Universal, pour récupérer l'intégralité de son oeuvre, et donc ses
droits d'artiste qu'il avait malencontreusement «oublié» de protéger.
Blouson noirLe
21 juin 1963, tout a commencé entre Johnny et la France. Un concert
rock gratuit, place de la Nation, organisé par Daniel Filipacchi et
Franck Ténot, les deux visionnaires d'Europe 1. On attend 5 000 jeunes.
Ils sont 200000. Leur signe de ralliement : le blouson noir, celui de
James Dean dans «la Fureur de vivre». La soirée se termine en bataille
rangée, la police matraque et arrête plusieurs dizaines de spectateurs.
La jeunesse française s'éclate à coups de chaîne de vélo, fait la nique
au gaullisme perclus de nostalgie de la Résistance. Les faubouriens,
les prolos ont franchi les portes de Paris, avec leur arme fatale : le
rock and roll, le pur et dur, celui d'Eddie Cochran et de Buddy Holly.
Et ils cognent comme des damnés. Leur porte-drapeau est un gamin de 20
ans en santiags et Perfecto, qui se roule par terre comme un
épileptique au premier solo de guitare.
Ce soir-là, Johnny fait entrer la jeunesse française dans la modernité et provoque la colère des élites.
«Quelle
différence entre le twist de Vincennes, écrit Philippe Bouvard dans «le Figaro»,
et les discours de Hitler au Reichstag ?» De Gaulle lui-même, occupé à la reconstruction du réseau routier de la France, lance un tonitruant :
«Johnny Hallyday ? Mais si ce jeune homme a de l'énergie à
revendre, il faudrait l'envoyer casser des cailloux sur les routes !»
CocaïneLe
7 janvier 1998, «le Monde» publie, avec accroche à la une, un entretien
retentissant de Johnny accordé à son ami écrivain Daniel Rondeau,
auteur du roman «l'Age-déraison, véritable biographie imaginaire de
Johnny H.». Il confesse avoir été un gros consommateur de cocaïne.
«Oui, j'en ai pris longtemps en
tombant de mon lit le matin. [... ]
Je ne suis pas
le seul d'ailleurs, la poudre et le hasch circulent à mort chez les musiciens,
il n'y a pas à s'en vanter, je n'en suis pas fier, c'est ainsi.»Ce gros fumeur de gitanes y avoue avoir à peu près tout essayé en
matière de stupéfiants, de psychotropes, mais aussi d'anxiolytiques et
autres compagnons de ce qu'il appelle ses
«dérives destroy». L'article
provoque un scandale chez les lecteurs du vénérable quotidien du soir. En lui
ouvrant les portes d'une des plus grandes institutions culturelles françaises,
Daniel Rondeau a fait définitivement entrer le «voyou» chez les
bourgeois.
Dean
(James)Il l'a dit à tous ses confidents, la mort dans un accident
d'automobile de James Dean l'obsède. Longtemps Johnny a cru qu'il allait finir
comme l'acteur américain. Il l'a singé dans la première décennie de sa carrière,
en multipliant les crashs au volant de décapotables. Johnny s'est construit sur
le mythe du suicide automobile. Mais la seule fois où il a tenté de se donner la
mort, en 1966, c'était aux barbituriques.
FemmesUne
star ne peut atteindre le statut de légende vivante qu'à travers une
vie privée tumultueuse, chaotique et flamboyante. Dans ce domaine, le
«chanteur abandonné»a beaucoup donné. Tous ses amis sont unanimes : Johnny le timide n'est
pas un don Juan, il a seulement un coeur d'artichaut et croit toujours
à l'amour éternel. Premier flash : Catherine
Deneuve, au début des années 1960, une romance discrète et éphémère. Puis vint
Sylvie
Vartan,la twisteuse bulgare, qu'il épouse le 12 avril 1965, le pôle
incontournable. L'union dure quinze ans, ponctuée d'orages. Le plus
violent fut causé par l'irruption volcanique et destructrice de la
chanteuse américaine
Nanette Workman, partenaire de Johnny à
tous les niveaux, sexe, alcool, drogue et... roulette russe. Le couple
a dansé longtemps au bord du précipice. L'arrivée de
Nathalie Baye, après un mariage éclair à Beverly Hills, en 1981, avec le mannequin
Babeth Etienne,le propulse sur une autre planète, celle des intellectuels. La
comédienne l'éloigne des oiseaux nocturnes qui gravitent autour de lui,
police son image en le mettant en contact avec écrivains et acteurs de
la rive gauche. Elle le rapproche de Michel Berger et bouleverse sa
carrière cinématographique, jusqu'alors sans relief, en lui faisant
rencontrer un autre personnage culte, Jean-Luc Godard. Le rocker, à la
quarantaine, se met à avoir des manières. Mais les vieux démons de la
nuit resurgissent. Nathalie Baye craque. Désemparé, Johnny reprend la
route des tournées à travers la France. Il replonge dans la foule et
l'alcool, ses deux potions magiques, épouse deux fois
Adeline
Blondieau, la fille de son meilleur ami, Long Chris, croise l'ancienne Miss France
Linda Hardy,puis un mannequin allemand avec qui il part en lune de miel en
Thaïlande, et finit par rencontrer à Miami celle qui partage sa vie
depuis dix ans,
Laeticia Boudou, fille d'un ancien joueur de rugby de
Béziers qui a fait fortune dans le monde de la nuit.
Godard (Jean-Luc)En
1954, à 11 ans, Johnny avait été figurant dans «les Diaboliques», de
Henri-Georges Clouzot. Dès l'adolescence, il passait son temps entre
les salles de cinéma et les concerts. Happé par le rock, il avait
tourné une dizaine de films sans plaisir, et rêvait d'une rencontre à
haut risque. Alors vint Godard et son univers flottant qui lui propose
un rôle phare dans «Détective». Johnny traque comme un débutant. Godard
le sadise, lui donne son texte quelques minutes avant les prises et le
laisse dans l'ombre.
«Il me disait qu'il ne
voulait pas trop m'éclairer, raconte-t-il,
parce que
je dégageais trop de lumière.»La star du show-biz est sous la torture, mais il tient bon. Le film est
sifflé à Cannes en mai 1985, mais transforme radicalement l'image de
Johnny. Godard, à sa façon, a perçu le fond du mythe. Il lui confie :
«Personne ne te comprend, personne n'arrive
à t'attraper.» Coup de génie du cinéaste suisse
: il a fait entrer le chanteur pour midinettes dans la catégorie des acteurs
«art et essai».
Harley-DavidsonLa grosse cylindrée américaine est
incontournable dans la panoplie des accessoires de Johnny, qui s'était inventé
un temps, au début de sa carrière, un père dans l'Oklahoma. Elle porte le rêve
américain, l'évasion des bikers sur le bitume des longues plaines désertiques de
l'Ouest, de Las Vegas à San Francisco, les Hell's Angels, les virées torrides et
poussiéreuses dans les canyons. Durant toute sa carrière, l'idole des jeunes
reste fidèle à la marque créée en 1903 à Milwaukee, dans le Wisconsin, par deux
gamins de 20 ans, William Harley et Arthur Davidson, qui firent fortune en
quelques années. Leur premier prototype : une bicyclette motorisée. Leurs
premiers clients : la police de Chicago et l'armée américaine, qui utilisa au
tout début la Harley pour pourchasser un certain Pancho Villa. Johnny est un fan
absolu du film «Easy Rider», avec Peter Fonda et Dennis Hopper, où le héros est
avant tout la moto vagabonde. Johnny lui rend hommage dans une chanson peu
connue, dont la musique est composée par Pascal Obispo, «Que ma Harley repose en
paix» (1998).
LivresPlus d'une centaine d'ouvrages ont été écrits
sur Johnny durant sa carrière. Entre les livres promotionnels et les
biographies, trois publications sortent largement du lot. Le très littéraire
«Johnny» de Daniel Rondeau (NiL), le «Johnny, la légende, les vérités» de
Philippe Boggio (Flammarion), et surtout l'excellent «Johnny Hallyday histoire
d'une vie» de Jean-Dominique Brierre et Mathieu Fantoni (Fayard/Chorus), qui a
nécessité trois ans d'enquête fouillée sur le destroy troubadour. Au-delà du
personnage romanesque, les auteurs révèlent le génie du chanteur-comédien à
capter l'air du temps, de l'époque yé-yé des Trente Glorieuses à celle du
désenchantement de la crise financière.
PèreLa
story de Johnny mériterait un film tourné par Martin Scorsese. Une
histoire d'enfant abandonné par son père, Léon Smet, comédien,
chanteur, metteur en scène bruxellois, grand amateur de poésie
surréaliste. Le saltimbanque du plat pays descend à Paris, dans la
France occupée par les nazis, pour connaître la gloire. Il vit à
Montmartre, devient l'ami de Mouloudji, de Serge Reggiani, de Paul
Eluard. Il est surdoué, mais velléitaire. En faisant ses courses au bas
de la Butte, il tombe amoureux de la crémière, Huguette, une sublime
jeune fille au regard d'ange. Elle succombe aux yeux laser bleu
turquoise de ce Belge étourdissant. Jean-Philippe naît en 1943, dans le
9e arrondissement. Huguette a choisi d'ajouter le deuxième prénom
Philippe en l'honneur du maréchal Pétain ou, selon certains biographes,
pour faire
«bon Français».
Léon, noceur impénitent, quitte le
nouveau-né et sa mère quand le bambin a 8 mois. Durant toute sa vie,
Johnny a couru derrière le fantôme de cet homme en fuite, joueur de
casino devenu clochard, qu'il a tenté d'aider, en vain. Il ne s'est
réconcilié avec lui que le jour de sa mort, dans un petit cimetière de
Wallonie. Le rêve secret de Johnny ?
«Etre un jour un patriarche qui préside une
tablée avec plein d'enfants, de petits-enfants et des tas d'amis Quelqu'un qui
peut taper sur la table quand il y a trop de bruit.»
RoulotteLe chanteur a
toujours revendiqué son statut de nomade, de Gitan du rock. Incapable de se
fixer, il a passé la majeure partie de sa vie dans les hôtels. L'été 1972, il
réalise son rêve : faire une tournée dans une roulotte. Le 16 juillet, il lance
depuis Chantilly le «Johnny Circus», accompagné d'une troupe de cent quatorze
personnes. Pendant trois mois, musiciens, cracheurs de feu, funambules,
dresseurs d'ours, acrobates sillonnent la France. La caravane du «prince des
romanichels» stupéfie la France profonde, qui ne sait pas que le jeune
Jean-Philippe Smet est un enfant de la balle. Il a passé toute son enfance à
parcourir l'Europe dans la caravane de sa tante et de ses deux cousines,
danseuses acrobates, qui couraient de cachet en cachet dans les music-halls.
Johnny, élevé par cette seconde mère, Hélène Mar, soeur de Léon Smet, ancienne
actrice de cinéma muet, suivait le mouvement. Il n'a jamais été scolarisé et a
vécu ses soirées de petit garçon derrière les tentures des théâtres, attendant
chaque soir les clameurs de la foule pour trouver le sommeil.
ShakespeareDepuis 1969, Johnny a une obsession : il veut
monter une comédie musicale tirée de «Hamlet», de William Shakespeare.
Idée loufoque pour le chanteur de «Da dou ron ron». Son entourage lui
déconseille l'aventure, qui pourrait bien le ridiculiser. Mais il tient
bon. Le personnage de Hamlet le hante. Il s'identifie à ce héros
insaisissable, opaque et transparent à la fois, qui a une mission
terrestre : venger l'assassinat de son père. Comme le prince
d'Elseneur, Jean-Philippe Smet, alias Johnny, vit avec le fantôme du
père. Malgré tous les obstacles et tous les avertissements, il produit
un double album improbable et courageux, «Hamlet-Hallyday», en décembre
1976, composé de 29 titres. Le public ne comprend pas et fait une moue
indifférente. Johnny, personnage tragique ? La critique hausse les
épaules. Déçu, l'artiste rangera le projet de comédie musicale dans ses
malles. Il ajoute :
«C'est le disque dont je suis le
plus fier.»«Johnny Tour 66» : six
mois de concerts en France et à l'étranger. La liste des dates et lieux de
concert est disponible sur [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] Serge Raffy
Source :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] - 2325 - 28/05/2009
Sam 28 Fév 2015 - 23:02 par 
de johnny et j'ai bien regardé tous les mecs avec des casquettes noirs et des tee shirts noirs enfin ceux qui étaient filmés par TF1 et bah joel je ne t'ai pas reconnu alors je suis un peu décue mais j'attend tes photos avec impatience